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Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/207

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MADEMOISELLE CLOQUE

votre intention, ma bonne amie, car je vous sais cousue de petits défauts : monsieur votre directeur qui est là ne me contredira pas…

M. l’abbé Moisan leva deux doigts, en prenant une attitude de haute discrétion.

— Et puis, continua le marquis, si vous vouliez vous donner la peine d’y regarder d’un peu près et de remonter aux origines, vous verriez que ce goût de vertu farouche n’est nullement chrétien. Jésus n’a fait que prêcher la douceur et l’indulgence. Pour le cas particulier de la femme adultère, je n’ai pas besoin de vous rappeler ses paroles mémorables. C’est M. Niort-Caen, le père de Rachel, qui les a citées, paraît-il, à Mme la comtesse de Grenaille-Montcontour, non sans un manque de tact qui est familier à cet homme d’affaires de génie, mais dont l’à-propos me ravit. N’est-il pas piquant, en effet, de voir une tradition si intelligente de vie sociale, renouée à dix-huit siècles d’intervalle, par un homme de sang sémite, comme l’était Jésus ? et ceci contre une société qui se pique d’être chrétienne et qui ne rêve en toutes choses que la guerre et que le sang ?…

— Marquis, en vérité, vous vous égarez. Songez au moins que vous êtes en présence d’un ministre de Jésus-Christ !…

— Je sais, dit le prêtre, qu’il y a malheureusement beaucoup d’abus…

— Comme ce serait drôle, reprit le marquis,