Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
203
MARCHE LENTE

— Ah ! dit l’abbé, voilà un point que l’on nomme spécieux.

— Je me place, dit le marquis, au point de vue d’une morale…

— Il n’y a pas deux morales, monsieur le marquis, il y en a une seule et unique !

L’abbé pour prévenir tout mécontentement hasarda :

— Toutefois, mieux vaut-il deux morales que pas du tout.

Ce n’était pas habile. Mlle Cloque frappa sur la table :

— C’est la même chose ! dit-elle, d’une façon comme de l’autre, vous n’aboutissez qu’à l’anarchie !

Sans s’émouvoir, le marquis poursuivait sa pensée :

— Si vous eussiez vu, dit-il, la figure de M. Niort-Caen lorsqu’il apprit le double événement que j’ai eu l’avantage de vous exposer ! Il ne s’est point emporté, il n’a même pas manifesté de surprise, contrairement à M. le comte de Grenaille qui voulait s’arracher les cheveux et qui, néanmoins, a fort bien dîné. M. Niort-Caen a pris les deux coupables, et il leur a tenu un petit discours si bien fait, que chacun des époux fut convaincu qu’il avait commis une imbécillité. Ils ne se sont point jeté dans les bras l’un de l’autre en larmoyant, en se traitant de misérables ; ils se sont regardés dans les yeux