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MADEMOISELLE CLOQUE

et ont convenu qu’ils étaient des nigauds de s’être ainsi laissé prendre. « Puisque nous sommes si maladroits séparément, a dit l’un d’eux en souriant, ne nous quittons plus. » C’est ce qui fut décidé.

— Le joli monde ! s’écria Mlle Cloque. Vos deux époux ne méritaient pas mieux, en effet, que l’éloquence opportuniste de votre Niort-Caen, puis qu’ils n’avaient fait que de jouer chacun de leur côté. Car on en est là : on joue, on plaisante, on rit, même en adultère !.. Saperlipopette ! lança-t-elle, en agitant le pied si fort que sa pantoufle s’en alla, j’aimerais mieux encore une belle passion, une grande flambée où l’on exposât ses jours, dût-elle être suivie d’un cataclysme foudroyant !

— Oh ! oh ! dit l’abbé, comme vous y allez ! mademoiselle Cloque !

Le marquis s’était baissé ramasser la pantoufle. Il la présenta galamment à sa vieille adversaire. En se relevant, il aperçut par la fenêtre le mouchoir blanc de sa femme et se retira.

Mlle Cloque haussa les épaules dès qu’il fut sorti :

— Ça lui va bien, dit-elle, de parler de l’aisance des mœurs : il a été esclave toute sa vie. Avant la démence de sa femme il en était amoureux fou ; il a mangé une fortune à payer ses caprices politiques ; il s’est battu trois fois par jalousie, et il a failli mourir de chagrin quand elle a perdu le peu d’esprit qu’elle avait. Et de-