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MARCHE LENTE

je me fais de ces fonctions une haute idée. Je crois qu’il y faut à la fois des principes fermes et généreux, et des capacités éprouvées ; j’ajouterai que la vie même de ceux qui prétendent gouverner leurs concitoyens devrait pouvoir leur être proposée en exemple… Vous me trouvez difficile, mais c’est que je suis vieille et que je sais le prix du mérite réel. J’ai vu bien des hommes élus, monsieur Loupaing, aux plus hautes fonctions, même au trône de France, et je les ai vus retomber sous les huées de ceux mêmes qui les avaient élevés. À mon âge, on n’applaudit plus qu’aux belles actions, non aux succès.

— Autrement dit, vous vous f… de mes électeurs comme de moi, sous le prétexte que je ne suis pas pour les calotins !…

— Je ne dis pas cela, monsieur Loupaing. Je dis seulement que je vous ferai des compliments, à vous et à vos électeurs, le jour où vous aurez montré que vous étiez digne de leur choix. L’occasion peut se présenter un jour ou l’autre, il y a tant de bien à faire !…

— Nom de D !… faut-il, à l’âge que vous parlez, en avoir tout de même un culot ! Vous pouvez vous vanter que vous êtes la première personne qui ose rouspetter devant moi et qui ne me tourne pas un compliment !…

Il fit glisser sa chaise en arrière, dans un mouvement de colère. Le plâtrier roulait sa casquette entre ses doigts. Sa mère et sa femme