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LA MAISON DE LA RUE DE LA BOURDE

de la Basilique, elle n’avait point hasardé un pas qui ne fût orienté vers l’intransigeant idéal.

Une porte-fenêtre ouverte sur le jardin laissait venir l’arôme délicat des fleurs, qui s’exalte un peu vers le soir. Et l’on entendait le bruit de la lance d’arrosage de Loupaing sur la haie des fusains. Par des trous que Mlle  Cloque n’arrivait pas à combler dans le feuillage de ces arbustes, elle avait le désagrément d’apercevoir la figure rouge et l’œil du plombier borgne. Chaque soir, il était là, au moment où elle se mettait à table. C’était à croire qu’il le faisait exprès, et cela était infiniment probable, car ils avaient eu une con­testation précisément au sujet de cette lance. La locataire s’était réservé le droit d’en user pour l’entretien de son jardinet improvisé dans la cour du propriétaire. Or Loupaing prétendait s’en servir pour laver sa cour, à l’heure même où l’arrosage est avantageux pour les plantes. Jamais, malgré nombre de réclamations, Mlle  Cloque n’avait touché la lance, et elle en était réduite à promener sur ses plates-bandes son petit arrosoir à main, tandis que, de l’autre côté des fusains lavés sur une seule face, Lou­paing inondait sa cour à plaisir.

Mais la pauvre fille avait, ce soir, des soucis trop graves pour être affectée de cette petite persécution qui d’ordinaire l’exaspérait ; et elle négligeait même de fermer la porte au nez de l’affreux borgne aux aguets derrière