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Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/261

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MADEMOISELLE CLOQUE

entre l’émotion de jadis et celle d’aujourd’hui.

Que de choses écoulées ! que de tristesses ! Et que de vérité dans les paroles prononcées par le beau prophète, en la relevant, dans l’antichambre, en présence des domestiques ! La médiocrité ? Elle pleuvait comme l’eau du ciel. Tous l’adoptaient, la proclamaient ouvertement : c’était la devise des temps nouveaux. On l’embrassait de cet élan d’universelle paresse qui précipite le monde vers le moindre effort, vers le petit confortable physique et moral, vers une espèce de sérénité égoïste et sans grandeur. « Qui sait, cependant, avait ajouté Chateaubriand, s’il ne naîtra pas de ces autres conditions de la vie nouvelle, une sorte d’héroïsme que l’on a ignorée jusqu’ici ? » Ah ! quant à cela, par exemple, elle n’en pressentait pas la réalisation ! Elle était trop vieille, elle n’assisterait qu’à la décrépitude…

Et la voiture était déjà engagée dans la Rampe de la Tranchée, que la pauvre fille n’avait pas encore mis en ordre deux idées, parmi les choses qu’il allait falloir dire tout à l’heure. « Mon Dieu ! fit-elle, nous voilà déjà arrivés !… » Elle eut un léger désir, à peine formulé, un peu lâche : « Peut-être, ne sera-t-il pas chez lui !… » Mais son sentiment du devoir lui redonna immédiatement du courage. Cependant, comme le fiacre, ayant franchi la grille ouverte, s’élançait avec coquetterie, au trot, sur la pente mon-