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MADEMOISELLE CLOQUE

— Marie-Joseph !

Marie-Joseph était là. Mlle Cloque pensa à Geneviève, à ce qui aurait pu être. Si les événements de Saint-Martin n’avaient pas fait éclater brutalement les antinomies des mœurs et éclairé les penchants secrets, Geneviève serait peut-être là, ce soir, et elle-même, s’apprêtant à dîner à la table d’un juif.

Mlle Cloque ne connaissait pas Niort-Caen. Du temps qu’elle fréquentait les Grenaille-Montcontour, le père de Rachel habitait encore Paris, la maison présente n’étant pas achevée ; et lorsqu’il venait par hasard chez les parents de sa fille, il évitait, avec une prudence extrême, que sa présence y fît la moindre sensation. Quant à lui, sans avoir jamais rencontré la vieille fille, il était amplement édifié sur tout ce qui la concernait, et par l’union qui avait failli se conclure, et par les affaires de Saint-Martin.

Au bout d’un quart d’heure, on vint la prévenir que « Monsieur » l’attendait. Le temps lui avait paru à la fois long et trop court. Elle n’était pas prête. Elle se sentait des jambes « de chiffon » ; elle contenait son cœur. Elle trébucha contre la corne d’un tapis, et dut s’appuyer au bras du domestique qui la précédait. Elle disait à cet homme :

— Ce que c’est que d’avoir de mauvais yeux !

Cependant, quoique émue, elle gardait sa fierté. Elle croyait porter derrière elle la grande