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LES DEUX BLESSÉES

ceaux jetés à terre, ç’avait été le tour du superbe jubé de la Renaissance, prostituant aux souillures du grand jour ou de la pluie ses fines sculptures et sa délicate vocation pour les seules caresses des lumières de cire ou pour les intimités sacrées de l’ombre.

La place entière n’offrait plus à la vue qu’un chaos : des pyramides ou des montagnes de moellons, des trous comme si l’on creusait des bassins, et une forêt de mâts d’échafaudages donnant l’idée d’un port de mer ; le tout retentissant d’un bruit infernal : les bouleversements en vue de la laïcisation commerciale du quartier ; l’œuvre de Niort-Caen.

La rue Saint-Martin venait d’être débaptisée et nommée rue des Halles. Mais la rue Descartes offrait un spectacle plus affligeant encore.

De l’ancienne chapelle provisoire, il ne restait pas pierre sur pierre ; ce n’était qu’un espace béant, un vide qui semblait immense et laissait à nu, tout alentour, les flancs écorchés et lamentables de hautes maisons. De la rue, on ne voyait rien qu’une palissade de planches hermétiquement closes, contre quoi les fervents ou les curieux, parfois, appliquaient l’oreille. Par les temps secs, il s’élevait, avec le vent, des nuées de terre friable. On entendait les grands coups sourds des pioches défonçant le sol, et çà et là, des grignotements plus circonspects qui laissaient supposer l’exhumation minutieuse des