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LES DEUX BLESSÉES

jours éphémère. Cet apôtre donnait encore, dès qu’on l’approchait, l’illusion d’une grande force. Il élevait si haut, en parlant, un bras qui avait l’air de commander si loin, et comme à des puissances inconnues, qu’en présence même de ses défaites les plus évidentes, on hésitait à le déclarer vaincu. Mais malgré qu’il se démenât, il ne pouvait être présent partout à la fois, et la vertu de ses arguments disparaissait avec lui.

Le marquis d’Aubrebie que son scepticisme maintenait à l’écart des révolutions, continuait à rendre quotidiennement ses devoirs à Mme Pigeonneau. Celle-ci était plus charmante que jamais, et, au sein même des troubles qui semblaient compromettre sa fortune, prenait de la mine et quasiment de l’embonpoint. Pigeonneau lui-même, quand il montrait le nez à la porte de la reliure, avait son immuable figure placide.

— Pigeonneau, disait le marquis, je vous trouve stoïque !

— Oh ! ça m’est bien égal, répondait le relieur, on peut me dire ce qu’on voudra, du moment que j’ai à travailler.

Pour taquiner ces dames, M. d’Aubrebie aimait à rappeler les dernières batailles de M. Houblon. La plus chaude avait eu lieu lors de la fête de saint Martin. Pendant des mois, le champion de la Basilique avait escompté cette date pour l’accomplissement de grandes choses. Il confessait tout bas avoir prévu des barricades.