Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/342

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
335
LE PETIT BONHEUR

Les panonceaux nouvellement dorés brillent au-dessus de la porte d’entrée.

Et après, c’est la route encore, toute droite, soigneusement entretenue, souvent déserte ; au loin, la brouette du cantonnier portant un panier et un gilet à manches ; un blanc troupeau d’oies qui, gravement, traverse.

C’est la Celle-Saint-Avant.

Geneviève, connue ici depuis un an bientôt, sous le nom de Madame Giraud, se tient d’ordinaire à la dernière fenêtre du rez-de-chaussée, vis-à-vis d’un petit meuble à ouvrage ; et les rares passants de la route peuvent reconnaître son profil penché. Lorsque, fatiguée de lire ou de travailler, elle lève la tête et hasarde un coup d’œil au dehors, elle voit le maréchal ferrant, le marteau levé, et la croupe d’un cheval de trait présentant son sabot. L’odeur de la corne roussie l’oblige souvent à fermer la fenêtre. Parfois ses yeux demeurent longtemps fixés sur l’ardente petite flamme rouge de la forge, qui brûle au milieu d’un trou d’ombre.


« Ainsi, écrivait-elle à sa vieille tante, la vie est donc d’attendre la fin de chaque journée derrière une vitre en regardant toujours le même objet ? Je me souviens de l’œil de Loupaing, du catalpa, de la petite fontaine, et de ce pauvre balai pris dans la glace ! Et, en face de mon forgeron, il me semble, je ne sais pourquoi,