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LE PETIT BONHEUR

Pour quiconque connaissait bien Mlle Cloque, il était clair qu’elle mourrait là, au milieu de ses habitudes de souffrir, et qu’elle mourrait peut-être de la mystérieuse et cruelle volupté qu’il y a à contempler avec orgueil l’outrageant triomphe de ce que l’on juge la pire chose du monde.

— Tu ne sais pas ce que je souhaiterais ? avait-elle dit elle-même à Geneviève. Eh bien ! ce serait de disparaître le jour où ils mettront la dernière main à leur « cabanon moderne ». C’est une grâce que je demande tous les jours au bon Dieu. Je n’ai jamais compris qu’un chef survive à une défaite, et il est encore beau de mourir de la main du vainqueur, quel qu’il soit…

Dans leurs courses de l’après-midi, une fois passé le débordement des premières confidences, la tante reprenait la rengaine de ses tristesses. Geneviève, qui connaissait tout cela, écoutait d’un air distrait et répondait en décrivant la « vie de cloportes » des gens de la Celle-Saint-Avant, dont la momification prête à rire quand on y songe au milieu du bruit des voitures et du va et vient de la grande ville.

— On dit déjà la messe dans la nouvelle crypte, figure-toi, ma chère enfant. C’est M. Janvier qui l’a inaugurée. C’est un honneur qui lui revenait de droit. Il sera évêque avant peu. Quant à l’église même, on achève les mosaïques : c’est d’un mauvais goût ! il faudra que tu voies ça…

— Pourquoi, puisque ce n’est pas beau ?