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MADEMOISELLE CLOQUE

nues par la bonne avant le médecin. Enfin celui-ci arriva, approuva les premiers soins du dentiste et autorisa le transport immédiat au domicile « du moment qu’il y avait une personne de la famille ».

Deux commissionnaires étaient là ; on n’utilisa que le plus vigoureux, un colosse rouge qui répandait une odeur d’ail. Il prit à bras-le-corps la paralytique, comme on soulève un enfant. On vit pendre sur le flanc de l’homme les deux pieds inertes de Mlle Cloque, enfermés en de fines bottines de satin, à élastiques, telles qu’elle en avait porté toute sa vie. Sa tête épouvantable appuyait par le menton sur l’épaule de l’hercule ; elle n’ouvrait plus son œil droit, mais sa bouche tordue s’exténuait dans un perpétuel vagissement. Derrière l’homme, Geneviève tendait son mouchoir pour essuyer ces lèvres désormais inhumaines, d’où filait la salive.

Tout cela formait une bousculade, un gros remuement de pas sur le palier. On se tria pour descendre. Le médecin prit les devants, puis le porteur, et Geneviève. Sur les marches dépourvues de tapis, on n’entendit plus alors que le bruit des lourds talons et le tâtonnement du bout de la semelle de celui qui allait porter jusqu’à la voiture pour une petite commission de quarante sous, l’informe paquet à quoi en était réduite Mlle Cloque.

Le fiacre était au bord du trottoir, la portière ouverte.