Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/401

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
394
MADEMOISELLE CLOQUE

mourir en me maudissant !… C’est moi qui l’ai tuée !… »

Elle se traîna par terre sur les genoux en priant l’abbé, le docteur et son mari de sortir un moment parce qu’elle avait quelque chose à dire à sa tante toute seule.

— Ça n’a pas de bon sens, dit Giraud, de se mettre en des états pareils ; tu vas te rendre malade et nous serons dans de beaux draps…

Il sortit cependant avec ces messieurs.

— Tante ! tante ! s’écria Geneviève, au bord du lit, tu sais qu’il n’y a rien eu ! Je lui disais : « Allez-vous-en ! allez-vous-en ! » quand il m’a pris la main…

Mais Mlle Cloque ne parut pas comprendre. La circonstance qui l’avait foudroyée ne laissait pas de trace en sa mémoire.

Geneviève reprit :

— Je suis honnête, tante ! Je suis une honnête femme !

Ce mot attendrit la malade, et sans qu’elle saisît à quoi il faisait particulièrement allusion, elle y retrouva l’un des grands soucis perpétuels de sa vie de vertu, et son terrible rire éclata de nouveau, tandis que son œil se mouillait. Elle prit de sa main droite la main de sa nièce et l’éleva vers le crucifix qui était pendu au chevet du lit. Et on entendait, au milieu des éclats de joie de courtisane qu’un Dieu cruel permettait d’émettre à cette bouche sainte :