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MADEMOISELLE CLOQUE

de plus belle, et l’on entend dans chaque groupe des « Léopoldine » par-ci, « Léopoldine » par-là, et des exclamations, et des réticences et des « chut !… » et des « çà ne se dit pas !… » enfin, tant et si bien qu’une phrase articulée net et aigu par une bambine de dix ans, arrive toute crue aux oreilles de Mlle Jouffroy la cadette : « Léopoldine est à la sœur vachère !… »

— « Léopoldine est à la sœur vachère !… » Qu’est-ce que cela veut dire ? s’interrogent les trois vieilles amies.

C’est aussi ce que demandent les parents dans les groupes. Mais personne, pas même les enfants qui répandent cette stupéfiante et mystérieuse nouvelle, ne savent au juste ce qu’elle signifie. Mlles Jouffroy reçoivent les discrètes condoléances de quelques personnes de leur connaissance ; Mlle Cloque dispose dans un coin favorable des chaises pour recevoir sa Geneviève. Geneviève arrive, grande, mince, d’abondants cheveux blonds, des yeux longs, taillés en amande, profonds et veloutés. Des chaînes de cuivre et d’argent supportant des médailles de différents ordres battent sa poitrine où passe en sautoir un ruban bleu large de quatre doigts. Elle se jette au cou de sa pauvre tante qui prépare des phrases pour la pressentir sur un sujet pénible.

— Dis donc, tante, tu sais ? Léopoldine, est à la sœur vachère !…