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ACQUISITIONS NOUVELLES.

en ses lignes principales. C’est en s’emparant de la forme réfléchie que la plupart d’entre elles, et particulièrement le latin et le grec, sont parvenues à créer une voix passive.

Pour comprendre comment la forme réfléchie peut tenir lieu de passif, je me contenterai de citer quelques phrases où, encore aujourd’hui, nous nous servons du même tour :

« Les grands poids se transportent mieux par la voie maritime. »

« Cette forme de vêtement ne se porte plus. »

« Ces événements se sont vite oubliés. »

« Le monde de la nature se divise en trois règnes. »

Et en italien : Dicesi, temesi. Et même : avvenimenti compiutisi.

Ce n’est pas que l’idée du passif fût difficile à concevoir : « je suis frappé » n’est pas plus malaisé à comprendre que « je frappe ». La difficulté venait d’ailleurs : elle venait du plan de nos langues, qui est en contradiction avec l’idée passive, les langues indo-européennes présentant la phrase sous la forme d’un petit drame où le sujet est toujours agissant. Aujourd’hui encore, fidèles à ce plan, elles disent : « Le vent agite les arbres… La fumée monte au ciel… Une surface polie réfléchit la lumière… La colère aveugle l’esprit… Le temps passe vite… Il fait nuit… Deux et deux font quatre… » Chacune de ces propositions contient l’énoncé d’un acte attribué