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EXTINCTION DES FORMES INUTILES.

honorifiques ; elle n’a pas essayé d’enfermer trop de choses dans un même mot[1].

Nos langues, en général, se sont abstenues de marquer beaucoup de vaines distinctions qui, n’allant pas au fond des choses, sont comme une frivole dépense d’intelligence. En japonais, par exemple, les mots changent suivant que l’on compte des quadrupèdes ou des poissons, des jours ou des mesures de longueur. En basque, il y a une conjugaison cérémonielle[2]. Comme il y a de profondes différences dans l’art des divers peuples, l’un se complaisant à des détails, tandis qu’un autre saisit la nature en ses grandes lignes, il peut aussi y avoir dans le langage encombrement et remplissage. L’extinction des formes inutiles, soit qu’une raison plus mure les fasse périr par l’abandon, soit que l’esprit les arrête avant leur conception, a donc son rôle nécessaire.


Il est intéressant de voir comment, la même idée étant représentée par deux termes synonymes, la langue se débarrasse de l’un des deux, mais non si complètement qu’il n’en subsiste quelques traces. Le

  1. Elle dit, par exemple, en un seul mot : ἵσταμαι, « je me place », ἵστασαι, « tu te places », ἵσταται, « il se place ». Mais elle n’a pas essayé de dire en un seul mot : « je te place » ou « il me place ».
  2. Sayce, Introduction to the science of language, I, 205 (3e  édit.).