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EXTINCTION DES FORMES INUTILES.

existé en latin, c’est le substantif cliens (cf. l’allemand der Gehörige).


Y a-t-il des extinctions de mots ou de formes qui soient imposées par la phonétique ? On l’a soutenu maintes fois. Cependant, quand nous voyons combien l’instinct populaire est peu embarrassé pour sauver ce qu’il tient à ne point perdre, on se prend à douter de cette prétendue nécessité. S’il y avait un mot qui fût menacé de disparition dans le passage du latin au français, c’était le mot avis, « oiseau ». Et cependant, voyez avec quelle aisance il s’est maintenu et s’est multiplié, sous les formes oiseau (avicellus), oie (avica, auca), oison (aucio). S’il s’agit d’un verbe, le fréquentatif vient prendre la place de la forme simple : premere, pellere auraient eu peine à se faire admettre en français ; mais nous disons presser, pousser. Le verbe flare donnait peu de chose : mais on a pris les composés comme sufflare, « souffler », conflare, « gonfler ».

Il semble que le latin eût pu être embarrassé pour distinguer certains homonymes. Il y avait deux verbes luere, l’un signifiant « laver » et l’autre d’un sens précisément opposé, puisqu’il voulait dire « souiller » (cf. lues, « la souillure »). Mais la langue a évité sans difficulté l’équivoque, au moyen du com-