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COMMENT S’EST FIXÉ LE SENS DES MOTS.

l’action, ou à un objet qui est le produit ou l’instrument de l’action, mais cette action gardant sa signification générale, le substantif ou l’adjectif ainsi formé sera lui-même de sens général. Il faudra que par l’usage on le limite[1].

De cette condition fondamentale de nos langues vient l’énorme quantité de mots à signification générale qui, avec le temps, ont pris un sens spécial. À mesure qu’un mot se restreint, le langage se trouve obligé de recourir une seconde fois, une troisième fois, une quatrième fois au même verbe. C’est ainsi qu’à côté de tegmen nous avons tegmentum, tectara, tegamentum, tectorium, teges, toga, tous mots à sens général pour commencer, et ensuite réduits à une certaine catégorie d’objets.


Il y avait en latin un substantif felis ou feles qui signifiait « la femelle ». Ce nom convenait à la femelle de tous les animaux, au moins de tous les animaux mammifères[2]. Mais il en est venu peu à peu à désigner seulement la femelle du chat, et c’est au sens de « chatte » qu’il nous est parvenu. Comment s’explique cette restriction du sens ? Les

  1. Pour les plus anciens mots, il serait plus juste de dire racine verbale au lieu de verbe.
  2. De fela, « mamelle ». On sait que la même racine fe, « allaiter », a donné filius.