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COMMENT S’EST FIXÉ LE SENS DES MOTS.

peu emphatique, comme l’imagination populaire est bien capable d’en inventer, tel que « le Salut de la Cité, le Rempart du peuple ». Ce qui est certain, c’est que rien de pareil ne se trouve ailleurs. Les poètes latins ont bien essayé quelque chose de semblable. Versicolor doit rappeler ἀμειψίχροος, fluxipedus veut ressembler à ἑλκεσίπεπλος. Mais ces formations n’ont jamais pu s’acclimater en latin. Au contraire, encore aujourd’hui les Grecs forment des composés de cette sorte : ἀλεξικέραυνος signifie « paratonnerre » et ἀλεξιβρόχιον « parapluie ».

Il y a plaisir à collectionner les créations de la langue grecque en ce genre : δακέθυμος, « qui mord le cœur », ἑλέπολις, « preneur de villes », χαιρέκακος, « qui se réjouit du mal », ἐθελορήτωρ, « qui a la prétention d’être un orateur », δοξόσοφος, « qui se croit sage », φαινομηρίς, « qui laisse voir ses cuisses » (en parlant des filles de Sparte), ἀμβολογήρα, « qui recule la vieillesse » (surnom d’Aphroditè chez les Spartiates).


Je veux encore mentionner une autre formation qui s’est surtout développée dans les langues germaniques.

L’allemand contenait un certain nombre de composés comme himmel-blau, « bleu comme le ciel », schnee-weiss, « blanc comme la neige », stock-fest, « solide comme une souche », où le premier mot sert