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LA LOGIQUE DU LANGAGE.

étaient, sont devenus transitifs[1]. De cette façon, un autre type d’accusatif s’est peu à peu imprimé dans les esprits : l’accusatif-régime. Le langage, avec sa logique particulière, comme il avait dit : cupere divitias, a dit temnere divitias ; comme il avait dit : sequi honores, il a dit fugere honores. L’idée primordiale de l’accusatif devait nécessairement s’effacer en présence de cette diversité : à l’accusatif local succède un accusatif grammatical.

On a vu plus haut[2] que ce changement s’est opéré lentement. Ainsi les verbes grecs qui se construisent avec le génitif, comme ἀκούω, ἐπιθυμῶ, τυγχάνω, témoignent d’un état de la langue où la valeur propre du cas est encore distinctement sentie. C’est seulement avec le temps que s’établit dans les esprits une sorte de nivellement exprimé par la règle : Les verbes actifs veulent après eux l’accusatif.

Quelques savants, préoccupés du fond des choses, ont voulu établir une catégorie spéciale de verbes où l’accusatif marquerait le résultat de l’action, comme quand on dit : Deus creavit mundum, scribo epislulam, Themistocles extruxit muros. Mais ces verbes, qui se distinguent des autres pour le sens,

  1. Voir p. 209. Il faut ajouter que la plupart des langues, par un instinct d’ordre et de clarté, ont opéré une répartition, affectant les uns au rôle exclusif de verbes neutres, employant exclusivement les autres comme verbes transitifs.
  2. Voir ci-dessus, p. 218.