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L’ÉLÉMENT SUBJECTIF.

ou des membres de phrase ; 2o  par des formes grammaticales ; 3o  par le plan général de nos langues.


Je prends pour exemple un fait divers des plus ordinaires : « Un déraillement a eu lieu hier sur la ligne de Paris au Havre, qui a interrompu la circulation pendant trois heures, mais qui n’a causé heureusement aucun accident de personne ». Il est clair que le mot imprimé en italique ne s’applique pas à l’accident, mais qu’il exprime le sentiment du narrateur. Cependant nous ne sommes nullement choqués de ce mélange, parce qu’il est absolument conforme à la nature du langage.

Une quantité d’adverbes, d’adjectifs, de membres de phrase, que nous intercalons de la même manière, sont des réflexions ou des appréciations du narrateur. Je citerai en première ligne les expressions qui marquent le plus ou moins de certitude ou de confiance de celui qui parle, comme sans doute, peut-être, probablement, sûrement, etc. Toutes les langues possèdent une provision d’adverbes de ce genre : plus nous remontons haut dans le passé, plus nous en trouvons. Le grec en est largement pourvu : je me contente de rappeler cette variété de particules dont la prose de Platon est semée, et qui servent à nuancer les impressions ou