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COMMENT S’EST FORMÉE LA SYNTAXE.

de ces mots. S’il m’arrive de formuler un syllogisme, les conjonctions qui marquent les différents membres de mon raisonnement se rapportent à la partie subjective. Elles font appel à l’entendement, elles le prennent à témoin de la vérité et de l’enchaînement des faits. Elles ne sont donc pas du même ordre que les mots qui me servent à exposer les faits eux-mêmes.


Mais nos langues ne s’en tiennent pas là. Le mélange des deux éléments est si intime, qu’une portion importante de la grammaire en tire son origine.

C’est dans le verbe que ce mélange est le plus visible. On devine que nous voulons parler des modes. Les grammairiens grecs l’avaient bien compris : ils disent que les modes servent à marquer des dispositions de l’âme, διαθέσεις ψυχῆς. En effet, une locution comme θεοὶ δοῖεν contient deux choses bien distinctes : l’idée d’un secours prêté par les dieux, et l’idée d’un désir exprimé par celui qui parle. Ces deux idées sont en quelque sorte entrées l’une dans l’autre, puisque le même mot qui marque l’action des dieux marque aussi le désir de celui qui parle. Le simple mot chez Homère : τεθναίης, « utinam moriaris ! » outre qu’il exprime l’idée de mourir, exprime aussi le souhait de celui à qui échappe cette