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COMMENT S’EST FORMÉE LA SYNTAXE.

nos doutes. On comprend qu’anciennement ces nuances se soient confondues. Les exemples abondent, qui montrent qu’entre le futur et le subjonctif il n’y avait aucune limite précise. Ainsi la différence entre les temps et les modes s’efface aux yeux de l’historien de la langue[1]. Ceux qui, de nos jours, ont émis cette idée extraordinaire que l’optatif avait été inventé pour être le mode de l’irréel (der Nichtwirklichkeit) prêtaient aux générations antiques la même force de conception qu’on admire chez les créateurs de l’algèbre. Mais le langage, en ces temps reculés, avait des aspirations moins hautes et des visées plus pratiques.


L’élément subjectif n’est pas absent de la grammaire de nos langues modernes.

Le français, pour exprimer un vœu, se sert du subjonctif : Dieu vous entende ! — Puissiez-vous réussir ! Quelques logiciens, pour justifier l’emploi du subjonctif, ont supposé une ellipse : « Je désire que Dieu vous entende. — Je souhaite que vous puissiez réussir… » En réalité, le français a si peu renoncé à cet élément subjectif qu’il a trouvé, pour l’ex-

  1. Οὐκ ἔσσεται, οὐδὲ γενήται. — Οὔ πω ἴδον, οὐδὲ ἴδωμαι. — Εἰ δέ κε μὴ δώωσιν, ἐγὼ δέ κεν αὐτὸς ἕλωμαι, etc. Cf. Tobler, Uebergang zwischen Tempus und Modus, dans la Zeitschrift für Völkerpsychologie, II, p. 32. Voir aussi Mém. de la Soc. de ling., VI, 409.