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L’HISTOIRE DES MOTS.

c’est un adjectif qui signifie « véritable, naturel ». Cicéron, disant dans une de ses lettres familières qu’en une certaine occasion il s’est conduit comme un véritable âne, se sert de ce mot : Me asinum germanum fuisse.

Nous n’avons guère cité que des substantifs ; mais il existe quelque chose de semblable pour les verbes. L’habitude fait que les compléments se sous-entendent et que, de transitif, le verbe devient neutre. C’est la contre-partie de ce que nous avons vu pour l’adjectif devenu substantif. — Exposez-vous ? est une question parfaitement claire pour un peintre. Une femme qui reçoit est admis par l’Académie. Les acheteurs savent ce qu’il faut entendre par un magasin qui envoie ou une maison qui liquide. Notre langue parlée est pleine de ces locutions : si bien qu’on a pu dire que l’abondance des verbes neutres est un signe de civilisation. Quelquefois la locution est allégée vers le milieu ; de toutes les sortes d’abréviation, c’est sans doute la moins bonne. Les géologues dissertent cependant sur l’homme tertiaire. En médecine, il est question de paralytiques progressifs. J’ai vu un membre de l’Académie française, parlant de M. Max Müller, l’appeler un philologue comparé. À la Sorbonne, entre candidats, tout le monde sait ce qu’il faut entendre par un bachelier scindé. Barbarismes affreux, si l’on veut, mais quand, en religion, on parle de réformés et de catholiques, l’ellipse, pour