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L’HISTOIRE DES MOTS.

velle, et l’acte du savant qui invente une désignation pour un phénomène scientifique récemment découvert, il y a différence quant à la promptitude du résultat et quant à l’intensité de l’effort, mais il n’y a pas différence de nature. Des deux parts, la faculté mise en jeu est la même. L’exagération serait singulière, de supposer d’un côté un agent intelligent et libre, de l’autre un agent inconscient et aveugle.

Même cette autre partie, plus matérielle, de la linguistique qui traite des sons, la phonétique, pour laquelle on voudrait aujourd’hui revendiquer, avec l’inconscience des phénomènes physiologiques, la précision des lois mathématiques, n’est pas absolument d’un autre ordre, car c’est le cerveau, tout autant que le larynx, qui est la cause des changements. Au moins faudrait-il faire une distinction entre les phénomènes qui tiennent à la structure des organes et à une impérieuse nécessité de prononciation, et ceux qui viennent de l’instinct d’imitation et de simples préférences. Sans nous étendre plus longtemps sur ces considérations, disons que ce sont là les exagérations passagères d’un principe vrai et excellent, savoir la régularité des phénomènes de la parole. Mais nous ne doutons pas que la linguistique, revenant de ses paradoxes et de ses partis pris, deviendra plus juste pour le premier moteur des langues, c’est-à-dire pour nous-mêmes, pour l’intelligence humaine. Cette mystérieuse trans-