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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

parlant des habitudes de l’empereur Auguste, il rapporte que celui-ci, pour plus de clarté, ne craignait pas d’ajouter des prépositions aux noms et des conjonctions aux verbes. Le passage en lui-même est curieux. Mais il y faut remarquer surtout les derniers mots : (præpositiones) quæ detractæ afferunt aliquid obscuritatis, etsi gratiam augent[1]. Il était donc élégant, conforme au bon ton, de se passer du secours des prépositions et des conjonctions. C’était l’ancien langage latin. Mais l’empereur adopta le nouvel usage : on sait qu’il affectait volontiers des habitudes rustiques.

De ce parler rustique nous avons un autre témoignage contemporain. C’est la dédicace et le règlement d’un temple de la Sabine, l’an 57 avant Jésus-Christ[2]. Ce règlement prévoit le cas où des donations seraient faites au temple : Si pecunia ad id templum data erit… Quod ad eam ædem donum datum erit… Au lieu du datif, nous avons la construction moderne : « À ce temple ».

Remarquons qu’il s’agit d’un document officiel, à la fois juridique et religieux. La langue officielle est volontiers archaïque, s’il n’en coûte rien à la précision : mais du moment que la précision est en jeu, elle ne recule pas devant le néologisme.

Déjà peu de temps après Auguste, nous assistons

  1. Vie d’Octave Auguste, 86.
  2. C. I. L., IX, 3 513.