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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

préposition[1]. Ce n’est pas qu’il ne connaisse la déclinaison latine et qu’il ne sache la valeur de chaque cas. Mais quand il emploie l’une des prépositions cum, de, ad, per, in, sub, il lui est indifférent d’employer l’accusatif ou l’ablatif.

Ce n’est donc point par ignorance, par usure des formes, par impossibilité de s’entendre, qu’on a eu recours, en désespoir de cause, une fois la déclinaison tombée en ruines, à un autre moyen de représenter les mêmes idées. Non : c’est au sommet de la hiérarchie romaine que nous en trouvons, dans le plus beau moment de la littérature, les premiers exemples. La langue des affaires a dû être la première à accueillir l’innovation, préparant ainsi les voies à un nouveau système grammatical.

Le fait le plus important de l’histoire de nos langues, celui qui caractérise par excellence le passage de la synthèse à l’analyse, rentre donc dans le chapitre du principe de spécialité. Il y a toutefois un emploi des cas où les prépositions ne fournissaient aucun secours : c’est pour la distinction du sujet et du régime. Aussi est-ce la distinction du nominatif

  1. P. 522. Parlant de la confusion des cas, M. Bonnet dit : « Il est permis de douter que l’usure des formes y ait été pour beaucoup. Il ne faut pas oublier, en effet, que si l’accusatif singulier, le plus souvent, ne se distingue de l’ablatif que par une m, qui probablement s’articulait péniblement, il en est tout autrement du pluriel et du singulier neutre dans la troisième déclinaison. Ici les désinences as et is, os et is, es et ibus, es et ebus, us et ibus, us et ore, en et ine, etc., avaient conservé leurs sons parfaitement distincts. Il n’en fallait pas tant pour aider à discerner les cas. »