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DE L’ANALOGIE.

πίπτω, μίμνω, γίγνομαι, qui étaient de même sorte que τίθημι, δίδωμι, κίχρημι, ont décidément abandonné la conjugaison en μι, pour passer aux verbes en ω.

La conjugaison en μι présente donc le spectacle d’une formation saccagée, battue en brèche. Chacune des pertes qu’elle a faites a été un gain pour la conjugaison en ω.

La mémoire ne se charge pas volontiers de deux mécanismes fonctionnant concurremment pour un seul et même résultat : si peu qu’elle hésite, les formes le plus souvent employées se présentent les premières.

La conjugaison en ω offrait l’avantage d’une accentuation plus uniforme, d’une moins grande variété de voyelles, d’une symétrie plus visible ; cet ο ou cet ε qui vient se placer entre la racine et la désinence (λύ-ο-μεν, λύ-ε-τε) est comme un tampon qui empêche les conflits. La facilité plus grande devait assurer la victoire à la conjugaison en ω.

En latin, les choses sont encore plus avancées. La lutte est déjà terminée. Qui se douterait, sans la lumière projetée par les langues congénères, que sistere, bibere, gignere, serere, sont d’anciens verbes à redoublement, semblables à τὶθημι, δίδωμι ? Les survivants de l’ancienne conjugaison, esse, ferre, velle et quelques autres, sont classés parmi les verbes irréguliers. Encore ne sont-ils irréguliers que pour une partie de leurs formes. Le travail de rangement se