Page:Bréal - Essai de Sémantique.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
73
DE L’ANALOGIE.

τέταρτος, δέκατος. On sait, en effet, que les nombres ordinaux se forment à l’aide des mêmes suffixes qui servent à marquer les degrés de comparaison. Mais cet exposant τος, trop simple et trop court, pouvait donner lieu à des méprises. En détachant l’α de δέκα, le grec obtient un suffixe plus complet, ατος ; de là les superlatifs comme ὕπατος, ἔσχατος, πύματος. Pour surcroît de clarté, au suffixe ατος la langue ajouta encore le τ du comparatif τερος : dès lors on eut le suffixe τατος, qui permit d’opposer φίλτατος à φίλτερος[1].

Le désir de formes explicites fait comprendre comment, en français, aux anciens nombres ordinaux tiers, quart, quint (le tiers parti, un quart voleur survient…) ont été substitués troisième, quatrième… Des anciens ordinaux latins il ne reste plus que les deux premiers : mais déjà deuxième, au lieu de second, est familier à nos oreilles.

Dans la conjugaison, certains participes passés menaçaient de devenir étrangers au verbe dont ils sont tirés. Qui sent encore la parenté de poids, qu’il faudrait écrire pois, et de pendre, de toise et de tendre, de route et de rompre[2] ? Il était utile d’avoir une forme qui accusât mieux les affinités. Ainsi

  1. Nous devons ce modèle d’étude historique à M. Ascoli, dans les Studien de Curtius, IX, 342.
  2. Encore au xvie siècle, les fractions, en mathématiques, s’appellent les nombres roupts. La route désigne une voie qu’on a faite en rompant la forêt et le terrain.