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LES IDÉES LATENTES DU LANGAGE.


logique les décrivent, et les procédés du langage constatés par l’analyse philologique, et ce sera pour nous un avertissement de remonter jusqu’à l’origine de cette divergence et d’en trouver le principe. Une pareille recherche ne peut manquer d’être féconde, et tout dissentiment entre la grammaire philosophique et la grammaire expérimentale doit conduire à des données nouvelles sur la nature du tangage ou sur le développement de l’esprit humain.

Déjà, dans une occasion semblable, j’ai essayé de vous montrer que la signification des mots peut survivre a l’altération de leur forme, et même profiter de cette altération. Je voudrais aujourd’hui vous présenter un autre côté du langage par où l’esprit et le corps des mots (je veux dire leur sens et leur forme) ne se trouvent point en une correspondance exacte. Je me propose de montrer qu’il est dans la nature du langage d’exprimer nos idées d’une façon très-incomplète, et qu’il ne réussirait pas à représenter la pensée la plus simple et la plus élémentaire, si notre intelligence ne venait constamment au secours de la parole, et ne remédiait, par les lumières qu’elle tire de son propre fonds, à l’insuffisance de son interprète. Nous avons une telle habitude de remplir les lacunes et d’éclaircir les équivoques du langage, qu’à peine nous sentons ses imperfections. Mais si, oubliant pour un instant ce que nous devons à notre éducation, nous examinons un à un les éléments significatifs dont se composent nos idiomes, nous verrons que nous faisons honneur au langage d’une quantité de notions et d’idées qu’il passe