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LES IDÉES LATENTES DU LANGAGE.


du mot indique la place que l’objet désigné occupe dans la classification scientifique la nomenclature chimique est une sorte de catalogue parlé où tout changement dans la composition d’un corps entraîne un remaniement dans son nom. Mais il faut considérer que parmi la quantité infinie de rapports que peuvent avoir entre eux les objets du monde extérieur, la langue de la chimie choisit seulement un petit nombre et néglige de donner une expression aux autres c’est un idiome qui n’arrive à la précision que par la plus stricte spécialité. Au contraire, le langage ordinaire, qui doit suffire à l’universalité de nos connaissances, se dispense avec raison de cette rigueur scientifique et, sans viser à un ordre impossible, il fait entrer les idées nouvelles dans les cadres élastiques qu’il tient des âges précédents.

Voyons maintenant si dans les noms primitifs, c’est-à-dire dans ceux qui viennent, non d’un autre mot, mais immédiatement d’une racine, la forme serre l’idée de plus près. Je prends en grec les substantifs qui se composent d’une racine et du suffixe ο. Nous avons, par exemple, άγόζ ; « le conducteur, le chef », δόμοζ « la maison », τρέμοζ « l’action de trembler », τροπόζ « le but », qu’on fait venir ordinairement des verbes άγω « je conduis », δέμω « je bâtis », τρέμω « je tremble », σκέπτομαι « je regarde », quoiqu’il soit plus juste de dire qu’une même racine a donné naissance, d’une part au nom, de l’autre côté au verbe. Si nous examinons de plus près ces substantifs, nous voyons bien que leur formation gramma-