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Page:Bréal - Mélanges de mythologie et de linguistique, 1877.djvu/321

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LES IDÉES LATENTES DU LANGAGE.


dieux, ou dans θεοτέκελοζ ; « semblable aux dieux, » ou encore dans θεόεχθροζ « ennemi des dieux », ou dans Θεόταυροζ, « dieu ayant la forme d’un taureau ». C’est ce travail mental de subordination ou d’association que nous sommes obligés de faire, pour lequel le langage ne nous fournit aucun secours, que M. Adolphe Regnier a appelé la syntaxe intérieure. Les formes de ce genre nous aident à comprendre les idiomes qui, comme le chinois, négligent habituellement l’expression des rapports, en laissant à la pensée le soin d’assembler et de lier les mots de la phrase. Mais la puissance de l’éducation est si forte que nous avons de la peine à nous représenter de tels idiomes, et que dans nos propres langues nous cherchons souvent des flexions là où il n’en existe point. On a expliqué plus d’une fois comme des génitifs la première partie de agricola, cœlicola, quoique les mots tels que silvicola, monticola, eussent dû mettre en garde contre cette interprétation. Les Indous, ces ingénieux et sévères théoriciens, n’admettent pas qu’un mot puisse se trouver sans désinence casuelle ou personnelle. Aussi Pânini dit-il du premier terme d’un composé qu’il est revêtu de l’affixe luk. Mais quand on analyse cette expression d’algèbre grammaticale, on s’aperçoit que c’est une quantité égale à zéro, de sorte que l’affixe luk marque en réalité l’absence d’affixe.

Non-seulement le dernier terme des composés est dépouillé de toute flexion il arrive souvent que le mot entier prend un sens dont nous ne sommes prévenus par