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LES IDÉES LATENTES DU LANGAGE.


la racine sa. L’un et l’autre de ces pronoms a été ajouté au thème bodha. Le s, signe du nominatif masculin, est un débris de la racine sa : le ti, désinence de la troisième personne du singulier, est, comme nous l’avons vu, un affaiblissement de ta. Deux formes aussi différentes en apparence que bodha-s « la connaissance et bodha-ti « il sait », sont composées d’éléments à sens identique. Elles sont devenues étrangères l’une à l’autre, grâce à l’idée latente que l’esprit a infusée dans chacune d’elles.

A plus forte raison ne faut-il chercher aucune différence originaire entre le substantif et l’adjectif. Comme le langage, pour marquer les personnes ou les objets, les désignait par leur qualité ou leur manière d’être la plus saillante, tous les substantifs ont commencé par être des adjectifs pris substantivement. Deva « dieu » a en sanscrit un comparatif et un superlatif ; il signifie « le brillant ». Mâtar, qui dans le sanscrit classique veut dire uniquement « la mère », a dans les Védas un masculin avec l’acception de « créateur ». On sait avec quelle facilité, même dans nos idiomes modernes, nous faisons prendre tour à tour à un nom l’un ou l’autre rôle. Quand notre esprit, derrière la qualité mise en relief par le langage, va chercher une personne ou une chose, nous avons un substantif mais si, s’arrêtant à la notion de la qualité, il néglige l’idée de l’objet auquel elle appartient, c’est un adjectif que nous employons. C’est, comme personne ne l’ignore, une des applications les plus intéressantes de l’étymologie, de retrouver comme