Page:Brébeuf - Relation de ce qui s’est passé dans le pays des Hurons en l’année 1636.djvu/102

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ſoupirs, & à leurs gemiſſemẽs. Vray Dieu que d’ignorance & de ſtupidité ! Illuminare his qui in tenebris & in vmbra mortis ſedent.

Or cette fauſſe creance qu’ils ont des ames s’entretient parmy-eux, par le moyen de certaines hiſtoires que les peres racontent à leurs enfans, leſquelles ſont ſi mal conſuës, que ie ne ſçaurois aſſez m’eſtonner de voir comme des hommes les croyent, & les prennent pour veritez. En voicy deux des plus niaiſes, que ie tiens de perſonnes d’eſprit & de iugement parmy-eux.

Un Sauuage ayant perdu vne ſienne ſœur qu’il aymoit vniquement, & ayant pleuré quelque temps ſa mort, ſe reſolut de la chercher en quelque part du monde qu’elle peuſt eſtre, & fit douze iournées tirant vers le Soleil couchant ; où il auoit appris qu’eſtoit le Village des ames, ſans boire ny mãger ; au bout deſquels ſa ſœur luy apparut ſur le ſoir, auec vn plat de farine cuite à l’eau, à la façon du pays, qu’elle luy donna, & diſparut en meſme temps qu’il voulut mettre la main ſur elle pour l’arreſter ; il paſſa outre, & chemina trois mois entiers, eſperant touſiours venir à