Page:Brébeuf - Relation de ce qui s’est passé dans le pays des Hurons en l’année 1636.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

éueiller, et nous emprunter vne de nos chaudieres.

Le ſonge eſt l’oracle que tous ces pauures Peuples conſultent & eſcoutent, le Prophete qui leur predit les choſes futures, la Caſſandre qui les aduertit des malheurs qui les menacent, le Medecin ordinaire dans leurs maladies, l’Eſculape & le Galien de tout le Pays, c’eſt le maiſtre le plus abſolu qu’ils ayent ; ſi vn Capitaine parle d’vn coſté, & vn ſonge de l’autre, le Capitaine a beau ſe rompre la teſte à crier, le ſonge eſt le premier obey. C’eſt leur Mercure dans leurs voyages, leur Œconome dans leurs familles : le ſonge preſide ſouuent à leurs conſeils ; la traitte, la peſche & la chaſſe s’entreprennent ordinairement ſouz ſon aueu, & ne ſont quaſi que pour luy ſatisfaire ; ils ne traittent rien de ſi precieux dont ils ne ſe priuent volontiers en vertu de quelque ſonge : s’ils ont fait vne heureuſe chaſſe, s’ils retournẽt de la peſche leurs Canots chargez de poiſſon, tout cela eſt à la diſcretion du ſonge ; vn ſonge leur enleuera quelquefois leur prouiſion de toute vne année : il preſcrit les feſtins, les danſes, les chanſons, les ieux, en vn mot le ſonge