Page:Brébeuf - Relation de ce qui s’est passé dans le pays des Hurons en l’année 1636.djvu/95

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Ils paſſent encor plus auant, & le regardent comme faiſoit iadis l’Antiquité profane, vne Cerés ; à les entendre c’eſt Iȣskeha qui leur donne le bled qu’ils mangent, c’eſt luy qui le fait croiſtre, & le conduit à maturité ; s’ils voyent leurs campagnes verdoyãtes au Printemps, s’ils recueillent de belles & plantureuſes moiſſons, & ſi leurs Cabanes regorgent d’eſpics, ils n’en ont l’obligation qu’à Iȣskeha. Ie ne ſçay ce que Dieu nous garde ceſte année, mais à entendre les bruits qui courent nous ſommes menacez tout de bon d’vne grande ſterilité. On a veu, dit-on, Iȣskeha, tout defait & maigre comme vne ſquelete, auec vn epy en ſa main mal fourny ; d’autres adiouſtent qu’il portoit vne iambe d’homme, & la dechiroit à belles dents ; tout cela, diſent-ils, eſt vne marque indubitable d’vne fort mauuaiſe année : mais le plaiſir eſt, qu’il ne ſe trouue dans le Pays qui diſe, ie l’ay veu, ou ay parlé à homme qui l’a veu, & cependant tout le monde croit cecy comme vne choſe indubitable, & perſonne ne ſe met en peine de faire vne plus curieuſe recherche de la verité. S’il plaiſoit à la diuine Bonté faire mentir ces faux Prophetes, ce ne nous ſeroit pas vn petit auantage pour authoriſer noſtre