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est la réminiscence du monde des idées ; ainsi la connaissance, en nous faisant communiquer avec l’être, rétablit une perfection dont nous étions privés. Il est impossible de ne pas reconnaître la profonde vérité cachée sous ce mythe : l’âme n’est pas, dans la connaissance, comme un miroir passif reflétant les objets ; comme le veut Spinoza, le passage de la connaissance coniuse à la connaissance claire et distincte est générateur de joie et de perfection ; il transforme l’âme.

Mais il y a une seconde conception de la connaissance qui est toute différente : la connaissance n’a pas son but en elle-même, elle est un moyen pour nous de dominer les choses : « Savoir pour pouvoir », telle est la devise que François Bacon, et à sa suite Auguste Comte, a donnée à cette conception. Elle aussi, elle voit dans la connaissance un progrès, mais qui est non plus perfectionnement intérieur, mais extension de notre pouvoir sur les choses extérieures. L’immense supériorité de cette forme de la connaissance sur la précédente, c’est que son progrès peut se détacher de l’individu et ne disparaît pas avec lui ; la découverte d’un procédé technique peut se fixer en effet dans le langage ou mieux s’inscrire dans un outil matériel : ces découvertes peuvent s’ajouter les unes aux autres, les précédentes conditionnant