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et même de l’homme ; le mécanisme universel permet à Descartes d’imaginer l’opération humaine s’insérant dans les choses, modifiant les conditions de vie du corps humain, et par lui, atteignant les passions qui lui sont liées ; en fait, le xviiie et le xixe siècle essaient d’étendre le déterminisme à l’homme lui-même qui se considère à son tour comme un objet parmi les autres.

Et c’est ici, semble-t-il, que le drame de notre civilisation occidentale commence, Il y a une trentaine d’années, peu après la guerre de 1914, j’entendis, dans une cérémonie publique, un ambassadeur d’un pays d’Extrême-Orient, qui, félicitant l’Europe de son admirable développement des techniques matérielles, croyait pouvoir partager la tâche de l’humanité en deux parts, dont l’une, celle de l’Occident, serait d’apporter à l’homme les moyens de vivre, tandis que l’autre, l’Orient, lui fournirait la sagesse et lui révélerait sa fin. Ainsi n’avait-il vu que le côté matériel de notre civilisation.

Si nous envisageons maintenant la philosophie, nous comprendrons mieux ce qu’elle est véritablement : elle est, dans son ensemble, un admirable effort pour maintenir un équilibre entre ces deux types de connaissance, et pour montrer que seul, le premier peut donner un sens au second. La philosophie est la protes-