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l’aliment ou le tableau, confère à chacun d’eux sa dignité ou son prix et le rend désirable en droit. Les valeurs sont des attributs tels que beau ou laid, bon ou mauvais, honorable et vil, juste et injuste, pur et impur, savoureux et répugnant, etc. Toute valeur positive est, on le voit, doublée d’une valeur négative. Considérer un être sous l’aspect de sa valeur, c’est non pas le considérer en lui-même, mais (au moins en première approximation), dans la propriété qu’il a de nous accorder (ou de nous refuser) une satisfaction, c’est chercher son rapport à la nature humaine. Les mêmes choses peuvent donc prendre ou perdre leur valeur selon les modifications de cette nature. Nous lisons non sans stupéfaction dans tel roman de Balzac (La fausse maîtresse par exemple) la description d’un mobilier de salon qui paraissait vers 1840 un prodige de bon goût et qui dénote pour nous le goût le plus mauvais ; et nous considérons en revanche comme un acte de vandalisme les destructions que les chanoines du chapitre de Notre-Dame de Paris, hostiles à la « barbarie gothique », ont ordonnées au xviie siècle dans leur cathédrale.

Cette liaison intime de la valeur à la nature humaine et à ses variations est bien certainement une des raisons qui a appelé l’attention sur la théorie des valeurs dans une philosophie où