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années. Au début du siècle on étudiait moins les valeurs elles-mêmes que les jugements de valeur ou les appréciations, que l’on opposait aux jugements d’existence ; s’il en était ainsi, c’est que les théories cherchaient à réduire la valeur elle-même à ce phénomène subjectif qui est l’appréciation. Ces théories étaient de deux sortes : 1o La théorie critique, d’origine kantienne, selon laquelle la valeur naît d’une exigence imposée aux objets par la nature du sujet (ainsi, selon les Kantiens, la valeur objective de la connaissance vient non pas de sa correspondance avec l’objet, mais des conditions subjectives auxquelles un objet peut être pour nous un objet de connaissance) ; 2o La théorie psychologique qui part des tendances et des besoins qui constituent la sensibilité humaine ; la valeur d’un objet, la valeur nutritive d’un aliment par exemple, est ce qui, dans l’objet, se trouve correspondre à nos besoins ; notre sensibilité est comme la plaque sensible qui nous révèle des valeurs qui n’ont aucune existence en dehors d’elle.

La philosophie actuelle des valeurs, sous les formes très diverses qu’elle a prises, s’oppose à ce subjectivisme. Elle recherche la valeur moins du côté du sujet qui l’apprécie que du côté de l’objet qui l’incarne, et elle cherche comment cette valeur est présente à cet objet,