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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/117

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AURORA FLOYD

jamais deux jours de suite ; rarement plus d’une fois par semaine.

Mlle Floyd ne fit aucune réponse à cette observation, et son visage ne reprit pas ses couleurs naturelles pendant tout le trajet qu’il fallut faire pour arriver à la maison. Elle gardait un morne silence, ne faisant que de très-brèves réponses aux questions de Talbot.

— Je suis sûr que vous êtes indisposée, Aurora, — dit-il au moment où ils montèrent les marches de la terrasse.

— Oui, un peu.

— Mais, très-chère, qu’est-ce ? Laissez-moi le dire à Mme Alexandre ou à Mme Powell ; laissez-moi retourner à Beckenham pour aller prévenir le médecin.

Elle le regarda, les yeux empreints d’une expression grave et triste.

— Fou de Talbot, — dit-elle ; — vous souvenez-vous de ce que Macbeth dit à son médecin ? Il y a des maladies contre lesquelles il n’y a pas de remèdes. Laissez-moi seule. Vous le saurez assez tôt… vous le saurez trop tôt… je vous le répète.

— Mais, Aurora, que voulez-vous dire ?… que pouvez-vous avoir dans l’esprit ?

— Ah !… ce que j’ai ?… Laissez-moi seule… laissez-moi seule, Capitaine Bulstrode !…

Il lui avait saisi la main ; mais elle le repoussa et monta l’escalier précipitamment dans la direction de son appartement.

Talbot se hâta de courir près de Lucy ; il était pâle et avait l’air effrayé.

— Votre cousine est indisposée, Lucy, — dit-il ; — allez près d’elle, pour l’amour de Dieu ! et voyez ce qu’elle a.

Lucy obéit immédiatement ; mais elle trouva la porte de la chambre de Mlle Floyd fermée en dedans ; et quand elle appela Aurora et la supplia de la laisser entrer, la jeune fille lui cria :

— Allez-vous-en, Lucy, allez-vous-en ! et laissez-moi à moi-même ; à moins que vous ne vouliez me rendre folle !