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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/17

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AURORA FLOYD

province, l’actrice échangea le nom de Prodder contre celui de Floyd.

Elle avait accepté le banquier en partie parce qu’elle était mue par un sentiment de reconnaissance pour l’ardeur généreuse de son affection, et portée à l’aimer mieux que tout autre homme qu’elle connaissait, et en partie d’après les avis de ses amis du théâtre, qui lui avaient dit, avec plus de franchise que d’élégance, qu’elle serait une étrange folle de laisser échapper une pareille chance ; mais à l’époque où elle donna sa main à Floyd, elle n’avait aucune idée de l’énormité de la fortune qu’elle était invitée à partager. Il lui dit qu’il était banquier, et son active imagination évoqua incontinent l’image de la seule femme de banquier qu’elle eût jamais connue : c’était une grosse femme qui portait des robes de soie, habitait une maison carrée enduite de stuc et ayant des jalousies vertes, avec une cuisinière et une femme de chambre, et prenait trois billets de loge au bénéfice de Mlle Percival.

C’est pourquoi, lorsque le mari couvrit sa charmante fiancée de bracelets et de colliers de diamants, de soieries et de brocarts qui se tenaient raides et qu’on ne pouvait manier à cause même de leur richesse ; quand il l’amena tout droit de sa province dans l’île de Wight, où il la logea dans de spacieux appartements, au meilleur hôtel de Ryde, et qu’il jeta son argent à droite et à gauche, comme s’il eût porté la lampe d’Aladin dans la poche de son habit, Éliza fit des remontrances à son nouveau maître, craignant que son amour ne l’eût rendu fou, et que cette extravagance alarmante ne fût le premier symptôme de la démence.

Quand Archibald fit entrer sa femme dans la longue galerie de tableaux de Felden, Éliza joignit ses mains dans le sincère transport de sa joie féminine, en voyant les magnificences dont elle était entourée. Elle tomba à genoux et adressa des hommages vraiment dramatiques à son seigneur et maître.

— Ô Archy, — dit-elle, — btout cela est trop pour moi. J’ai peur de mourir de bonheur et que ma grandeur me tue.

Dans toute la maturité de la beauté, d’une santé floris-