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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/21

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AURORA FLOYD

déchirer à belles dents sa réputation sans tache ; tandis qu’Archibald était transporté de joie de tenir dans ses bras une petite fille ; sans qu’aucun symptôme précurseur fût venu amortir la violence du coup, la lumière s’éteignit lentement de ces yeux si brillants, ils se fermèrent pour l’éternité, et Archibald devint veuf.


CHAPITRE II

Aurora.

L’enfant qu’Éliza laissa après elle, lorsqu’elle fut enlevée si subitement à tous les bonheurs et à toutes les joies de ce monde, fut baptisée sous le nom d’Aurora. Ce nom romanesque avait été une fantaisie de cette pauvre Éliza ; et il n’y avait pas un seul de ses caprices, quelque insignifiant qu’il fût, qui n’eût toujours été sacré pour son mari et qui ne lui fût désormais doublement sacré. Personne ici-bas ne connut l’amertume réelle du chagrin qu’éprouva le pauvre Archibald. Ses neveux et leurs femmes lui faisaient constamment des visites de condoléance ; et l’une de ses nièces par alliance, créature douée d une bonté tout à fait maternelle, et femme dévouée à son mari, insista même pour voir et consoler le pauvre affligé. Dieu sait si sa tendresse apporta quelque soulagement à cette âme brisée ! Elle trouva en lui un homme qui semblait frappé de paralysie, engourdi, presque hébété. Peut-être adopta-t-elle le meilleur plan de conduite qu’on eût pu suivre. Elle lui parla peu de l’objet de son affliction ; mais elle alla le voir fréquemment, elle eut la patience de s’asseoir en face de lui durant des heures entières, et lui tint des conversations sur toute sorte de banalités ou de lieux communs : l’état du pays, le temps, le changement de ministère et autres sujets analogues si éloi-