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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/265

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AURORA FLOYD

père. Dans sa jeunesse, Mlle Floyd n’occupait jamais le bout de la table, elle préférait se placer près de son père si gai, si aimant ; elle lui versait à boire à la place des domestiques, et elle avait pour le vieillard une foule de petites attentions qui semblaient bien douces au banquier.

Aujourd’hui Aurora paraissait plus caressante. Ses manières charmantes et affectueuses reprenaient leur ancien charme sur Floyd. Il posa son verre d’eau d’une main tremblante, afin de regarder sa fille chérie, resta ébloui de sa beauté, et s’enivra de l’avoir près de lui.

— Mais, ma chère enfant, — dit-il quelque temps après, — que parles-tu de retourner demain dans ta province ?

— Cela veut dire, papa, qu’il faut que je reparte, — répliqua Mme Mellish avec fermeté.

— Mais pourquoi être venue, mon enfant, pour ne rester qu’une nuit ?

— Parce qu’il fallait que je te visse, très-cher père, et que je te parlasse de… d’affaires d’intérêts.

— C’est cela ! — s’écria Mellish la bouche à moitié pleine de saumon à la sauce homard, c’est cela même ! affaires d’intérêts ! je ne puis tirer que cela d’elle. Elle est sortie très-tard hier au soir, elle a rôdé dans le jardin, puis elle est rentrée mouillée jusqu’aux os, en disant qu’il fallait qu’elle vînt à Londres pour des affaires d’intérêts. Si elle veut de l’argent, elle peut en avoir autant qu’elle en a besoin. Elle n’a qu’à écrire la somme, je signerai le bon, ou bien elle peut prendre une douzaine de chèques en blanc, et les remplir elle-même, si elle le désire. Que pourrais-je lui refuser sur terre ? Si elle a un peu trop dépensé au-delà de ce qu’elle pouvait, pourquoi ne s’adresse-t-elle pas à moi, au lieu de vous ennuyer à propos d’affaires d’argent ? Vous savez bien que je vous l’ai dit dans le train, Aurora, et plusieurs fois encore ; pourquoi ennuyer votre pauvre père avec ces affaires-là ?

Le pauvre père promenait avec étonnement ses regards de sa fille à son gendre. Que pouvait signifier tout ceci ? Ennuis, tourments, chagrins, humiliations, honte.

Ah ! que Dieu vienne en aide à ce faible esprit, dont l’é-