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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/266

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AURORA FLOYD

nergie fut anéantie par un coup terrible. Floyd craignait les signes d’un prochain orage, apporté par le moindre nuage dans le ciel d’une journée d’été.

— C’est, peut-être, que je préfère dépenser l’argent qui m’appartient, monsieur Mellish, — répliqua Aurora ; — et payer les folles dettes que j’ai jugé à propos de contracter avec l’argent de ma propre bourse, sans avoir pour cela d’obligations à personne.

Mellish revint à son saumon sans rien répondre.

— Il n’y a pas grand mystère dans tout ceci, papa, — continua Aurora ; — j’ai besoin d’un peu d’argent pour un motif particulier, et je suis venue te consulter sur mes affaires. Il n’y a rien de bien extraordinaire dans tout ceci, n’est-ce pas ?

En parlant ainsi, Mme Mellish releva la tête et eut l’air de lancer ces paroles en manière de défi. Son ton fut si hautain, que Talbot et Lucy eux-mêmes furent forcés d’y répondre par une légère marque de désapprobation.

— Non, non, certainement non, rien de plus naturel, — murmura le Capitaine.

Mais en même temps il se disait tout bas : — Je vous rends grâces, mon Dieu, d’avoir épousé l’autre.

Après le dîner, la compagnie sortit de la salle à manger et descendit sur la pelouse, puis de là ils se dirigèrent vers le pont en fer, sur lequel Aurora, son chien à ses côtés, s’était trouvée il n’y avait pas encore deux ans, lors de la seconde visite de Bulstrode à Felden. Appuyé avec nonchalance sur la balustrade de ce pont, pendant cette belle soirée d’été, à quoi pouvait songer le Capitaine, si ce n’était à ce jour de septembre écoulé depuis deux ans à peine ? Pas même encore deux ans ! Et, depuis ce temps, combien de choses s’étaient passées, avaient été supportées, avaient été souffertes ! Le temps était court, et cependant quelle éternité d’angoisses, quel siècle de tourments s’étaient accumulés en si peu de jours et en si peu de semaines ! Lorsqu’un associé indélicat engage sur le turf, pour un cheval favori, l’argent qui ne lui appartient pas, et rentre chez lui le soir après avoir perdu, il est bien difficile de faire com-