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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/276

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AURORA FLOYD

— Vingt de cinquante, vingt-cinq de vingt, cinquante de dix, — dit le commis avec volubilité.

Floyd prit le petit paquet et compta les billets avec la prestesse de l’habitude qu’il avait encore conservée.

— Parfaitement juste, — dit-il en tirant la sonnette, à laquelle il fut aussitôt répondu par un laquais à l’air souriant.

— Servez une collation à monsieur. Vous trouverez le madère excellent, — dit-il avec bonté, en se tournant vers le timide jeune homme. — C’est un vin qui s’en va, et quand vous aurez mon âge, monsieur Martin, il ne vous sera pas possible d’en avoir un verre de pareil à celui que je vous offre aujourd’hui. Au revoir.

Martin s’élança rapidement pour saisir son chapeau qu’il avait posé sur une chaise, renversa avec son coude un tas de papiers, salua, rougit, et trébucha en sortant de la chambre à la suite du laquais qui professait un profond mépris pour les jeunes commis.

— À présent, mon enfant, — dit Floyd, — voici l’argent que tu m’as demandé, quoique, fais-y attention, je proteste contre…

— Non, mon père, plus un mot, dit-elle en l’interrompant, je croyais tout cela arrangé hier soir.

Il soupira, avec le même air triste qu’il avait eu la veille, et, se plaçant devant son bureau, il trempa sa plume dans l’encre.

— Que vas-tu faire, papa ?

— Je vais seulement prendre le numéro des billets.

— Ce n’est point la peine.

— C’est toujours la peine d’être un homme d’ordre, dit le vieillard avec fermeté, tout en inscrivant les numéros les uns après les autres sur une feuille de papier, avec une précision admirable.

Pendant cette opération, Aurora se promenait avec impatience dans la chambre.

— Comme j’ai eu de la peine à avoir cet argent ! — s’écria-t-elle ; — je n’aurais pas eu plus de mal à obtenir ces deux mille livres si j’eusse été la femme où la fille des deux