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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/107

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AURORA FLOYD

le nom d’Aurora pendant cette courte audience. Rien n’avait transpiré qui pût révéler en aucune façon qu’elle avait autrefois connu ce même Conyers, et Mellish poussa un long soupir et respira librement quand il se retrouva sur le chemin du château. Le Colonel Maddison, Lofthouse et deux ou trois autres gentlemen étaient demeurés sur le seuil de la petite auberge, et causaient avec le coroner.

L’enquête était terminée, l’affaire réglée, et les restes mortels de Conyers pouvaient être portés en terre selon le bon plaisir de ses anciens maîtres. Tout était fini. Le mystère de la mort et le secret de la vie allaient être enterrés paisiblement avec le corps de l’entraîneur, et Mellish était libre d’emmener sa femme avec lui partout où il voudrait. Libre, ai-je dit ? Non ; car sans cesse l’ombre de ce mystère pendrait comme un drap mortuaire entre lui et la femme qu’il aimait. Sans cesse le souvenir de ce problème sinistre et non résolu le poursuivrait dans le sommeil comme dans la veille, dans la lumière comme dans l’ombre. Sa noble nature triomphant tour à tour des influences subtiles, des suggestions accusatrices et des faits douteux, était tour à tour ébranlée, sans être jamais vaincue. Il luttait bravement, quoique ce fût un bien rude combat, et qui devait durer peut-être jusqu’au tombeau. Cet argument muet devait sans cesse être combattu ; les pensées de fidélité et d’infidélité devaient sans cesse se heurter en déchirant son cœur jusqu’à la fin de ses jours, jusqu’à ce qu’il mourût peut-être, sa tête reposant sur le sein de sa femme, ses joues réchauffées par sa tiède haleine, mais ignorant jusqu’à la dernière heure la nature réelle de ce quelque chose de sombre, de cette horreur sans nom contre laquelle il avait lutté si longtemps et si patiemment.

— Je l’emmènerai avec moi, et quand nous serons séparés par des milliers de milles d’eau bleue du lieu où est enfoui son secret, je tomberai à ses genoux, et je la supplierai de me le confier.

Il passa en frissonnant devant la loge et suivit la grande route jusqu’à l’entrée principale du parc. Il était près de la porte quand il entendit une voix étrange et étouffée qui lui