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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/149

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AURORA FLOYD

clame le droit qu’a un frère de vous questionner sur vos actions. Je suis fâché que vous soyez venue seule à Londres, car cette action peut vous compromettre ; mais si vous voulez être calme et me dire pourquoi vous êtes venue, je pourrai comprendre vos motifs. Allons, Aurora, essayez d’être calme.

Elle était encore à genoux et sanglotait. Talbot aurait bien appelé sa femme pour l’assister, mais il ne pouvait supporter l’idée de voir ces deux femmes réunies avant qu’il eût découvert la cause de l’agitation d’Aurora.

Il versa de l’eau dans un verre et le lui donna. Il la plaça dans un fauteuil à côté d’une fenêtre ouverte et marcha dans la chambre jusqu’à ce qu’elle fût remise.

— Talbot, — dit-elle tranquillement après une longue pause, — j’ai besoin de vous pour m’aider dans la crise suprême de ma vie. Je dois être sincère avec vous et vous dire maintenant ce que j’aurais préféré mourir que de vous révéler il y a deux ans. Vous vous rappelez la soirée où vous avez quitté Felden ?

— Si je me la rappelle… Oh ! oui !… oui !…

— Le secret qui nous séparait alors, Talbot, était l’unique secret de ma vie, le secret de ma désobéissance, le secret du chagrin de mon père. Vous me demandiez de vous faire un récit de cette année qui manquait à l’histoire de ma vie. Je ne le pouvais pas, Talbot ; je ne le voulais pas. Mon orgueil se révoltait de nouveau contre cette horrible humiliation. Si vous aviez découvert vous-même ce secret et si vous m’aviez accusée de la triste vérité, je n’aurais pas essayé de nier ; mais prononcer de mes propres lèvres l’affreuse vérité… Non, non, je ne pouvais pas supporter quelque chose d’aussi horrible que cela. Mais maintenant que mon secret est connu, qu’il est au pouvoir des gens de police et des garçons d’écurie, je puis tout vous dire. Quand je quittai la pension de la rue Saint-Dominique, je me sauvais pour me marier avec le groom de mon père.

— Aurora !…

Bulstrode se laissa tomber sur la chaise la plus proche de lui, et s’assit blême et frémissant en regardant sa cou-