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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/179

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AURORA FLOYD

cours de la danse, des joueurs de cors, et des chanteurs nautiques dans la pièce, tout se réunissait pour donner au pauvre Samuel une idée tellement neuve du service naval de Sa Majesté, qu’il fut bien aise lorsque le Capitaine, qui avait été humilié, se repentit tout à coup de tous ses péchés, non sans un prompt avertissement du souffleur qui informa à voix basse les personnages du drame qu’il était minuit passé et qu’il valait mieux en finir tout de suite, et mit l’une dans l’autre les mains du matelot révolté et celles d’une jeune femme habillée de mousseline blanche, et les invita à être heureux.

C’était en vain que le Capitaine cherchait à se distraire de l’unique idée à laquelle il songeait toujours, depuis le soir de sa visite à Mellish Park. On pouvait avoir besoin de lui dans le comté d’York, pour qu’il dise ce qu’il connaissait de la sombre histoire de cette nuit fatale. On l’appellerait pour qu’il déclarât l’heure à laquelle il était entré dans le bois, qui il y avait rencontré, ce qu’il y avait vu et entendu. On voudrait lui arracher ce qu’il serait plutôt mort que de dire. On l’interrogerait contradictoirement, on l’effrayerait, on le tourmenterait jusqu’à ce qu’il avouât toute chose, jusqu’à ce qu’il répétât, syllabe par syllabe, les mots passionnés qui avaient été prononcés, jusqu’à ce qu’il dît comment, dans le quart d’heure qui avait précédé la détonation du pistolet, il avait été témoin d’une scène entre sa nièce et l’homme assassiné, scène dans laquelle une haine concentrée, une furie pleine de vengeance, un dédain et une répulsion sans limite avaient été manifestés par elle, par elle seule ; l’homme avait été calme et assez tranquille. C’était elle qui s’était mise en colère ; c’était elle qui avait exprimé sa haine à haute voix.

Maintenant, en raison d’une de ces singulières inconséquences communes à une nature faible, le Capitaine, quoique possédé jour et nuit par une terreur insensée de se trouver subitement saisi par les représentants de la loi, et forcé de conserver le secret de sa nièce, non-seulement ne put pas rester dans sa sûre retraite, au milieu des