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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/180

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AURORA FLOYD

labyrinthes de Wapping, mais encore désira fortement retourner vers la scène du meurtre. Il avait besoin de connaître le résultat de l’enquête. Les journaux du dimanche en donnaient un très-court récit, faisant seulement supposer d’une manière obscure l’intervention d’individus suspects. Il avait besoin de s’assurer par lui-même de ce que l’enquête avait amené, et si son absence avait fait naître des soupçons. Il avait besoin de revoir sa nièce, de la voir au jour et calme de toute passion. Il avait besoin de voir de jour cette belle tigresse dans ses moments tranquilles, si toutefois elle en avait. Dieu sait si le Capitaine était moins inquiet, quand il pensait à l’enfant de sa sœur Éliza et aux terribles circonstances de sa première, de sa seule rencontre avec elle.

Était-ce elle… ce qu’il craignait que l’on vînt à penser quand on saurait l’histoire de la scène dans la forêt ? Non, non, non !

C’était l’enfant de sa sœur, l’enfant de cette gaie et impétueuse petite fille qui déchirait ses tabliers et qui jouait à la marelle. Il se souvint qu’il l’avait vu se mettre en colère contre un nommé Tommy Barnes pour avoir triché à ce jeu, et lui faire des reproches presque aussi vifs qu’Aurora en avait fait à l’homme mort. Mais si Tommy avait été trouvé étranglé par une corde à sauter, ou tué par une sarbacane dans la rue voisine un quart d’heure après, est-ce que le frère d’Éliza aurait pu penser qu’il était probable qu’elle fût coupable du meurtre de ce garçon ? Dans le trouble de son esprit, le Capitaine avait été assez loin pour penser ainsi. L’enfant de sa sœur Éliza devait sans doute être aussi violente et aussi impétueuse ; mais l’enfant de sa sœur Éliza devait être une créature généreuse, ayant bon cœur, et incapable de faire du mal, soit en pensée, soit en action. Il se rappelait sa sœur Éliza le souffletant parce qu’il avait arraché les yeux de sa poupée de cire ; mais il se rappelait aussi cette enfant aux yeux noirs, sanglotant en voyant passer un agneau qu’un boucher inhumain menait à l’abattoir.

Mais plus Prodder retournait cette question dans son